Géographie improbable et toponymie oubliée
Mora
Préfecture du sud, cité impériale, capitale et première ville de Corse
Matisa
Sous-préfecture, la plus corse des villes corses selon Mérimée, fief du clan Giaberti
Palla
Juchée sur ses falaises de calcaire, citadelle séculaire réputée inexpugnable
Mantinia
Préfecture du nord, bastion historique, domaine réservé du clan Talesa
Alalia
Antique colonie, notamment romaine, ancien comptoir du Mare nostrum
Alista
Cité du sel, tenue par une mosaïque de clans coalisés sous l'égide du Cunsigliu
« Il n’aura pas fallu beaucoup de temps aux plus opiniâtres pour comprendre que ces toponymes-là appartiennent, quelques nuances exceptées, à une géographie datant du second siècle de notre ère : celle de Ptolémée. Ce choix est né d’une vieille manie que j’assume. Je perds d’ordinaire un temps indu à l’élaboration des noms propres, non pas pour leur affecter un sens, mais au contraire pour les expurger de tout réfèrent, de tout indice bavard. Or, les toponymes de Cunsigliu devaient obéir à deux exigences. D’une part, je les souhaitais fictifs et superposables, pour obvier à toute assimilation trop hâtive. Mais d’autre part, en les accommodant à la réalité, je voulais les rendre accessibles à la perspicacité de qui consentirait un effort de déduction. Renseigner sans révéler. Pour satisfaire à ce double objectif, l’emprunt à Ptolémée m’a semblé offrir un bon compromis sans avoir recours à des procédés trop complexes. Ceci ne concerne que les localités principales ; les noms secondaires ont, quant à eux, fait l’objet d’une sélection arbitraire. À les étudier de près, on conviendra qu’il s’agit d’un arbitraire bien livide : la toponymie corse recouvre tellement de récurrences qu’il est difficile de concevoir un nom de lieu qui soit à la fois imaginaire et préservé des analogies. Voilà pourquoi, à défaut de les construire tous, je les ai dérobés, pour la plupart, au cadastre de l’Alta Rocca. Chacun saura, à son gré détecter les homonymies. Par ailleurs, si le lecteur pense reconnaître des toponymes parmi les noms de certains de mes personnages, je ne saurais lui donner tort ; nombre de patronymes corses se sont formés sur le nom de la localité d’origine ou inversement, comme pour rappeler les liens qui unissent les hommes à leur terre. Il reste que, de tous les lieux cités dans Cunsigliu, un seul existe véritablement sous le nom que le récit lui donne. Mais ce lieu-là est bien davantage qu’un lieu. »

(« De la sélection des toponymes », article paru le 14 octobre 2007 sur le blog de l’auteur)